Le TOR des Géant. Cette course mythique. Je l'attendais tellement. Je l'ai préparée tellement. Je l'ai imaginée tellement.
Comme si je l'avais courue avant même d 'en avoir pris le départ...
La fin de mon histoire cette année n'est pas la meilleure. DNF après seulement 82km.
Mais en tout cas, ce qui est sur, c'est que cette course m'aura fait m'interroger sur ma pratique du running, mes motivations et mon style... Bref j'en ressort de toute façon grandi et serein.
Alors pour ce qui est du positif.
Cette course est incroyable quand à son organisation et son esprit. En terme d'organisation, je n'avais personnellement jamais vu un événement Trail running d'une ampleur pareille. C'est incroyable. Autant ça perd un peu authenticité, autant ces italiens arrivent à garder un coté très humain joyeux et energique malgré la masse de gens... Le check in, puis pour récupérer le sac et tout le tralala s'est passé tellement facilement... Vraiment, Bravo Bravo Ragazzi !!!
Pour le voyage, j'ai fait du covoiturage avec Manu et un ami à lui Jan, un ami de Manu, finlandais, qui a profité du lift... Très bon esprit malgré que je ne les connaissais pas ou peu.
Et puis viennent les derniers instants avant le départ. Quoique nerveux, je me sens serein et prêt. Tout du moins aussi prêt que je peux l'être. Le matériel me semble bien choisi, et physiquement, je pense ne m'être jamais autant senti en forme. Bref, tout se présente bien.
Les dernières minutes avant le départ, je sens enfin un peu de nervosité et je réalise la grandeur de l’événement dans lequel je me suis engagé. Presque trop grand à mon goût... Je ne sais pas si ça me plait ou si ça me dépasse...
Puis vient le moment du départ. Et wouah ! Quelle gifle d'émotion !! tant de personnes partageant tant de sentiments, de bienveillance, de fierté, de partage, de joie !!
Je cours les premiers mètres en profitant de chaque goutte de ces sentiments...
C'est accompagné de frissons, la chair de poule, et les yeux humides, que je parcours les premiers kms. On démarre sous le soleil qui enchqine immédiatement sur une fine pluie. Je sais que nous allons entrer dans des sous bois rapidement pour 1500D+ sur les 10 premiers kms, donc je décide de rester en T-shirt et short, en profitant ainsi qu'un grand nombre de personnes s’arrêtent pour enfiler leur veste de pluie.
Et voilà, à la queue leu leu dans la forêt. Tout va bien. Les jambes sont là. Je me sens bien. Puis le chemin s'élargit. Je prends mon rythme, dépassant un à un les runners devant moi.
Puis le froid fait son apparition. J’enfile mes arm-warmers. Je bois un coup, mange un petit morceau de barre. L'estomac n'apprécie pas trop... -et ce n'est que le début-.
La pluie fine se change en légère neige, top j'adore !!! Plus on avance et plus la neige est présente au sol. Je regarde plus haut et waouh, quel spectacle !! J'ai ce sentiment que j'adore, le sentiment d'être dans un endroit et un contexte exceptionnel. Au bon endroit et au bon moment. Au coeur d'une aventure incroyable...
On monte dans une longue file indienne, un pas après l'autre. Certains décident déjà de passer les micro-spikes. Je réfléchis deux secondes. Nan pas assez glissant pour déjà les sortir. Le sommet est proche. Ça va passer.
Et hop on bascule de l'autre coté, le col de l'Arp, c'est fait. C'est venteux, comme souvent sur les sommets. Un petit coup d'oeil et la descente, semble facile, un peu enneigée, pas technique, allez je me jette dedans, sans spikes. Ça glisse juste assez pour m'amuser. Je prends un peu de vitesse et passe pas mal de monde. Car dans ce genre de cas, une fois la vitesse prise, le plus dangereux c'est de s’arrêter...
Des vaches dans les champs environnant, une petite vallée toute jolie sous ce mélange de neige et boue, je prends le temps d'apprécier le moment tout en contrôlant la glisse qui me rapproche petit à petit du premier ravitaillement.
Arrivé sur celui ci, quel spectacle ! Je ne suis décidément pas habitué à tant de personnes en course ! C'est la guerre et le « chacun pour soi » pour attrapper le moindre morceau de fromage ou cracker... Je comprends, mais je trouve ça quand même triste. Et ça ne me plait vraiment pas. Mais bon c'est comme ça. J'arrive à attraper du fromage et à faire remplir mon gobelet de bouillon.
Allez c'est pas tout ça, je me remet en route. Une longue descente... J'essaie de discuter à droite à gauche. Pas de vrai rencontre pour le moment. J'arrive doucement à La Thuile. Beaucoup de public, et d'acclamations... Forza Forza !!! Bravo bravo !!
C'est quand même dingue ce que cette course arrive à mobiliser comme énergie !!
La vallée entière semble s'être donnée rendez-vous pour cette course.
J'arrive au Cp. On scanne mon bracelet, j'entre... et là, je vois un capharnaüm de volontaire et coureur s'agitant dans une ambiance qui m'a choqué ! Du coup je ne prends pas une seule seconde pour m’arrêter. Je repars en marchant et grignotant une de mes barres. Et hop et je rentre à nouveau dans une forêt luxuriante dans laquelle je croise un grand nombre de randonneurs et supporters.
Cette montée est vraiment cool. Je trouve mon rythme. Bien que je sente petit à petit mon estomac me faire de mauvais signes. Allez, un pas devant l'autre, ça va aller.
Je sors de cette magnifique forêt, et on arrive sur un plateau d'altitude verdoyant... un point de vue superbe. Magique. Quelle chance d'être là.
Et puis, j'arrive au Rifugio Deffeyes. Encore un joyeux bordel bien tendu. Bon je comprends que je vais devoir m'y faire, me battre pour un peu de bouffe et oublier le concept de « vivre ensemble ». Allez, faut prendre ça avec philosophie. Je me glisse entre un italien qui m’éjecte alors que j’enfile mon pantalon de pluie (pour le Gore-Tex, coupe-vent et chaleur), et un Japonais qui n’arrête pas de gueuler « soupe » « soupe » « soupe », en passant devant tout le monde comme si il était seul au monde... Pfff...
Allez, Alex, reste dans ta bulle ! Après c'est pas vraiment mon style d'être dans une bulle. Mais bon va falloir que je m'y fasse je pense.
Allez je m'y remet. Petite ascension rocailleuse jusqu'au Pasa Alto 2857m. Pas très technique, plutôt agréable. Je trouve mon rythme. Tout va bien. Juste une petite migraine due à l'altitude je pense...
Et hop je bascule dans un pierrier assez impressionnant. Beaucoup ralentissent tant certains passages sont techniques. Personnellement je me sens bien et à l'aise. Je me sens voler. Jes aute d'un rocher à un autre, je prends de la vitesse. Je m'amuse vraiment ! Mais mon estomac ballotte dans tous les sens et commence à vraiment faire la gueule, mais c'est pas grave. De la végétation réaparait. On arrive au fond de la petite vallée.
Un Cp. Bivacco Promoud. Je trouve un petit coin ou poser mon sac. Mais toujours cette ambiance stressante... Je grignote ce que j'arrive à attraper. C'est à dire pas grand chose malheureusement.
J'attaque maintenant, l’ascension du col Crosatie. Quel sacré morceau !! Je l'attaque bien, en rythme, et petit à petit il se durcit. Ma tête veut exploser. Des nausées commence à me prendre. Je résiste autant que je peux. Allez je sers les dents. J'arrive enfin en haut.
Petit contrôle du chronométrique en haut. Là Manu me rejoint. Il a l'air bien. J'attaque la descente avec lui. Elle a l'air costaud cette descente. Pas très technique mais longue. Très à l'aise, je me laisse aller et reprend des petits groupes devant, jusqu'à en trouver un qui est plus ou moins à mon rythme. Un bon rythme. Puis soudain, une envie de vomir vraiment impressionnante. Et hop, je me vide. Mais putain, du sang ! Wow, ça sent mauvais pour le reste de ma course...
Allez, un long sentier dans la poussière, un petit morceau de route, j'entends des cloches, j'entends une voix lointaine dans un micro... le CP de Planaval approche.
J'y arrive. Même s'il reste 6km avant la base de vie, je prends le temps de boire du coca pour essayer de me soulager. Ça va, je tiens encore debout.
Allez un dernier bout puis la base de vie. Je me met à marcher vite, comme je sais bien le faire.
J'arrive enfin à la Base de Vie de Valgrisenche. Elle est full. J’attrape mon sac. J'entre, j'essaye de trouver un petit coin. Vraiment petit. Une petite soupe, un peu de charcuterie, de fromage. Ma montre et mon téléphone à charger, je change mes premières couches, chaussettes... Il est 1H30. C'est bruyant, c'est oppressant. Je n'ai pas spécialement sommeil. Aucune raison de rester. En plus je me suis installé juste à coté des japonais qui sont particulièrement remuants.
Bref, je chope un café, dépose mon sac, et allez en avant vers le prochain morceau.
Ça attaque direct. D'abord en forêt, puis doucement ça se dégage sur un plateau. Et hop encore un CP, je ne m'y attendais pas à celui-ci. Un petit café, un petit biscuit. Mais ça passe difficilement. Une micro-sieste. Un café et je m'y remet. Et la ça grimpe pas mal. Le col de de la Fenêtre approche. Pas compliqué, mais constant.
Ma tête fait encore mal. Mon estomac n'est pas au mieux. Allez, faut que ça tienne ! Enfin arrivé en haut en même temps que le soleil. Un petit coup d'oeil et je m'attaque à la descente. Wow ! C'est un morceau. Je me jette dedans tête première, malgré un équilibre qui commence à être étrange tant je n'arrive pas à manger normalement...
Allez, je prends le plaisir où je le trouve encore... Les premières lueurs du jour me portent... nouveau CP en vue. Allez j'avance.La descente avance bien, je laisse dérouler les jambes.
Le CP, le bracelet scanné, je trouve un petit coin entre deux gars, je pose mon sac je vais chercher une soupe et quand je reviens, non serieux ?! Un mec a déplacé mes affaires et s'est installé sur les 30cm que je m'était trouvé sur un banc... Zen ! Reste Zen Alex. Allez je vois un banc qui permettrais d'installer 3-4 personnes de plus si on le déplace de 40cm. Je demande à un gars assis dessus si il peut se lever 2scd pour permettre la manœuvre, et j'ai en retour un « me gonfle pas, je ne bouge pas ». Ok. Ambiance. Je me retrouve debout au milieu, avec ma soupe et toutes mes affaires. Bon. Allez on relativise je suis au chaud ! Mais putain je suis ennervé là ! C'est tellement loin de l'esprit et des valeur que j'adore dans notre sport ! Et petit à petit le plaisir s'en va de mon esprit. C'était déjà un peu le cas, mais là, c'est un cran plus loin... trop loin ?
Allez je sors, pour attaquer la suite, col de l'Entrelor, un bon morceau. Je me mets directement en T-shirt car j'ai le pressentiment que ça va monter sec ! Et j'ai bien senti le truc, d'abord la forêt, puis encore un petit plateau. Et là je coince. Plus d’énergie. Je m’arrête un peu au soleil pour profiter de l'instant et me remonter un peu le moral...
Putain, plus que du négatif en tête. Rien ne va plus. J'essaye de manger un peu. Et hop, direct je vomis. Même plus de petit temps d’assimilation... Ça sent pas bon. Allez, je serre les dents. Ça grimpe. Un pied devant l'autre. La fin est un peu plus raide et technique. Et wooow !! Je perds à plusieurs reprise l'équilibre dans des positions plutôt délicates. Je continue, allez putain !!!
Presque arrivé, je bascule tête première entre deux rochers. Ce n'est qu'avec un rapide réflexe que j'arrive à me maintenir, en appui sur un baton et accroché à un rocher par l'autre main (après avoir jetté mon second baton). Mon coeur s'emballe. Je flippe. Vraiment. Cette impression de perdre le contrôle. Ça me fait peur. Je crois que je suis en train d'aller trop loin.
A ce moment là, la réflexion se met en place dans ma tête. Ok. Je commence à envisager d’arrêter. Je ne me suis jamais senti aussi faible qu'à ce moment. J'arrive péniblement au col d'Entrelor. 3002m. La descente commence dans un pierrier. Avec la tête qui tourne, je slalome entre les rochers, tant bien que mal. Putain je me sens tellement vaseux. Je prends un peu peur. Je dois me concentrer à 200% sur le chemin, dès que je quitte le chemin de la route, mon corps bascule du coté opposé où mon regard se pose... Putain, ça sens la fin. Déjà que j'étais excédé par les comportements sur les Cps. Maintenant ça. Allez, si les vertiges diminuent et le moral reviens dans la descente, je continue. Parce qu'après c'est le col Loson. Encore plus haut.
Malheureusement, cette descente est interminable.
Tant du point de vue réel, un long chemin sur un plateau, suivi d'un interminable chemin serpentueux dans la forêt, laissant apparaitre un village, pour prendre la direction opposée, puis demi tour, et ça recommence, tout cela sans fin.
Que d'un point de vue mental. Les idées noires tournent en ronds et ne me quittent plus. Je résiste autant que je peux. Mais ce qui est au dessus de tout, cet instant au j'ai failli basculer. Cette impression de perdre le contrôle de mon équilibre au moment où j'en ai le plus besoin. Et ça ne va pas en s'arrangeant...
Un mélange de mal des montagne, de stress engrangé par ces ravitos « chacun pour soi et j'en ai rien à faire de ce qui se passe autour de moi », et du coup une sous alimentation qui s'installe peu à peu.
Ma décision s'installe peu à peu. Et la descente n'en finit pas. Tous le monde me passe. Je suis presque à l'arrêt.
Le dernier plaisir que j'ai au fond de moi s'en va.
C'est fini.
C'est décidé.
Je dit souvent, si il n'y a plus de plaisir, plus de raison de continuer.
Là je suis à sec de plaisir. Et je sens que cela ne peut pas revenir. Et quand bien si celà peut, je n'ai pas envie de payer le prix de l'attente de son retour.
Une bière et une pizza. C'est ce que je veux maintenant.
J'arrive au CP. J'annonce à mon arrivée ma décision. Après un ou deux, « c'est sur ? », je pense qu'ils voient que la lumière s'est éteinte en moi, que je tiens à peine debout. Que je ne doute pas de ma décision.
Je rencontre Yann un pôte rencontré lors du Legends Trail. Au moment où j'arrette je rencontre enfin un visage familier... Mais bon voilà, je sais que je suis au bout de mon aventure.
J'appelle des amis coureurs pour du soutien. Certains comprennent, les plus solides non. Mais ma décision est prise. J'appelle mon pote Finlandais pour qu'il passe me prendre. Voilà. Je vais profiter autrement de cette fabuleuse vallée d'Aoste. Pas mal aussi.
Dans un premier temps, je me dit, plus jamais ça. Plus ce format de course. Trop de monde tue mon plaisir. Ce n'est pas mon truc.
Aujourd'hui, je dirai plutôt, je reviendrai, mais pas seul. Sur le format de courses longues, je suis un coureur social. Partenaire de course, support team, ou organisation à échelle humaine, bref quelque chose qui me correspond.
Et puis ralentir. Tout cela n'est pas une course, mais une longue balade dans des endroits incroyables. Le dire c'est bien. Se l'appliquer, mon prochain objectif.
Bref pas une mince affaire, mais une chouette expérience.
Et je suis tombé amoureux de cette vallée. J'y reviendrai c'est sur. Où ? Quand ? Comment ? Je ne sais pas encore. Mais pouquoi ? Ça je sais. Au plus profond de moi, la montagne m'appelle. Je me sens à ma place lorsque j'y suis.
Bref aventures à suivre...